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Eurêka au pays du sanskrit
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Le sanskrit, c'est la langue des érudits indiens, celle des textes religieux. Elle est de moins en moins parlée, mais sa grammaire continue de fasciner. Elle repose sur l'ouvrage d'un savant génial nommé Panini, qui a mis au point dans l'Antiquité des règles qui intriguent encore la communauté scientifique. Mais un étudiant de Cambridge pourrait avoir levé une partie de son mystère. (Rediffusion du 15 janvier 2023)
La grammaire de Panini, c'est la naissance de la linguistique moderne. Un chef-d'œuvre de précision et de sophistication qui n'a jamais été égalé... Comment fonctionne-t-elle ? À la manière d'un architecte, Panini invente ce que l'on appelle une métalangue : près de 4 000 règles, les sutras, qui organisent le bon usage du sanskrit.
Cette construction intellectuelle, vieille de plusieurs siècles avant Jésus-Christ, est si fine qu'elle fascine encore les grammairiens modernes. « Ce qui a beaucoup frappé nos contemporains à partir du XIXe siècle, c'est la qualité de la métalangue, explique le philologue et traducteur Michel Angot, spécialiste de la littérature sanskrite. Une métalangue qui, dans une large mesure, nous apparaît comme étant scientifique. Avec le souci, par exemple, de l'économie de volume. La grammaire de Panini était apprise par cœur, il fallait économiser de la mémoire et pour économiser de la mémoire, Panini et ses amis ont poussé le principe d'économie extrêmement loin en créant un lexique très concis, très scientifique, où les mots ne signifient qu'une chose. »
Un système extrêmement complexe
Problème, Panini pousse la concision à l'extrême. Il pose les règles sur la table, mais ne donne pas le mode d'emploi. Ce que l'on peut trouver dans les grammaires anciennes de latin ou de grec – les déclinaisons, les conjugaisons verbales – n'a pas d'équivalent dans son traité. Et depuis des siècles, c'est un casse-tête pour les locuteurs de sanskrit.
« Ce sont de toutes petites formules, souvent de quelques syllabes, parfaitement absconses. C'est une sorte de pelote de laine : dès que vous touchez à une formule, il faut voir comment la formule raisonne dans l'ensemble de 3 992 formules qui constituent l'œuvre. Et Panini ne dit pas comment des règles qui sont parfaitement contradictoires peuvent s'arranger, observe encore le philologue et traducteur Michel Angot.
« Par exemple, ajoute-t-il, si je vous dis dans une salle : "Tout le monde sort, Pierre reste", vous avez deux règles : une qui dit que tout le monde sort, et l'autre qui dit que Pierre, qui est pourtant dans tout le monde, reste. Il y a donc deux règles contradictoires et instinctivement, on va comprendre que la règle particulière s'impose à la règle générale. Ça se fait tout seul. Mais quand on est dans la grammaire de Panini, vous avez des règles grammaticales et ça ne se fait pas tout seul. Il faut ensuite trouver les métarègles qui organisent les règles, parce que ces règles sont mutuellement contradictoires. »
Une nouvelle méthode plus précise
C'est là qu'intervient Rishi Rajpopat. Cet étudiant de Cambridge revendique d'avoir enfin cerné l'une de ces métarègles, mal comprise depuis très longtemps. Sa théorie se résume ainsi : en cas de conflit, lorsque l'une des formules de Panini peut s'appliquer aussi bien à droite ou à gauche d'un même mot, il faut choisir la règle qui s'applique au côté droit. Ça n'a l'air de rien, mais c'est sans doute une avancée majeure dans la compréhension du système de Panini.
« Si vous appliquez l'interprétation des commentateurs traditionnels, celle qui faisait foi jusqu'à ce jour, il vous arrivera de tomber sur le mauvais résultat. En appliquant la sienne, vous tomberez juste dans plus de 90% des cas, assure Vincenzo Vergiani, le professeur de thèse de Rishi Rajpopat à Cambridge. C'est un peu comme en mathématiques : il peut y avoir plusieurs méthodes qui permettent de résoudre un problème. Mais les mathématiciens vous diront qu'il n'y a qu'une manière de parvenir à ce résultat de façon courte et élégante. C'est ce qu'a fait Rishi. Les anciens, eux aussi, avaient trouvé un chemin vers la bonne réponse. Mais la méthode de Rishi est bien plus économe et élégante. »
Les critiques vous diront qu'il n'y a pas matière à se vanter. Et que, rapporté à la pensée complexe de Panini, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Certes, mais l'équipe de Cambridge espère fédérer les bonnes volontés. « J'espère, conclut Vincenzo Vergiani, que les spécialistes du sanskrit vont se pencher sur la question et venir bousculer nos certitudes. »
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Le sanskrit, c'est la langue des érudits indiens, celle des textes religieux. Elle est de moins en moins parlée, mais sa grammaire continue de fasciner. Elle repose sur l'ouvrage d'un savant génial nommé Panini, qui a mis au point dans l'Antiquité des règles qui intriguent encore la communauté scientifique. Mais un étudiant de Cambridge pourrait avoir levé une partie de son mystère. (Rediffusion du 15 janvier 2023)
La grammaire de Panini, c'est la naissance de la linguistique moderne. Un chef-d'œuvre de précision et de sophistication qui n'a jamais été égalé... Comment fonctionne-t-elle ? À la manière d'un architecte, Panini invente ce que l'on appelle une métalangue : près de 4 000 règles, les sutras, qui organisent le bon usage du sanskrit.
Cette construction intellectuelle, vieille de plusieurs siècles avant Jésus-Christ, est si fine qu'elle fascine encore les grammairiens modernes. « Ce qui a beaucoup frappé nos contemporains à partir du XIXe siècle, c'est la qualité de la métalangue, explique le philologue et traducteur Michel Angot, spécialiste de la littérature sanskrite. Une métalangue qui, dans une large mesure, nous apparaît comme étant scientifique. Avec le souci, par exemple, de l'économie de volume. La grammaire de Panini était apprise par cœur, il fallait économiser de la mémoire et pour économiser de la mémoire, Panini et ses amis ont poussé le principe d'économie extrêmement loin en créant un lexique très concis, très scientifique, où les mots ne signifient qu'une chose. »
Un système extrêmement complexe
Problème, Panini pousse la concision à l'extrême. Il pose les règles sur la table, mais ne donne pas le mode d'emploi. Ce que l'on peut trouver dans les grammaires anciennes de latin ou de grec – les déclinaisons, les conjugaisons verbales – n'a pas d'équivalent dans son traité. Et depuis des siècles, c'est un casse-tête pour les locuteurs de sanskrit.
« Ce sont de toutes petites formules, souvent de quelques syllabes, parfaitement absconses. C'est une sorte de pelote de laine : dès que vous touchez à une formule, il faut voir comment la formule raisonne dans l'ensemble de 3 992 formules qui constituent l'œuvre. Et Panini ne dit pas comment des règles qui sont parfaitement contradictoires peuvent s'arranger, observe encore le philologue et traducteur Michel Angot.
« Par exemple, ajoute-t-il, si je vous dis dans une salle : "Tout le monde sort, Pierre reste", vous avez deux règles : une qui dit que tout le monde sort, et l'autre qui dit que Pierre, qui est pourtant dans tout le monde, reste. Il y a donc deux règles contradictoires et instinctivement, on va comprendre que la règle particulière s'impose à la règle générale. Ça se fait tout seul. Mais quand on est dans la grammaire de Panini, vous avez des règles grammaticales et ça ne se fait pas tout seul. Il faut ensuite trouver les métarègles qui organisent les règles, parce que ces règles sont mutuellement contradictoires. »
Une nouvelle méthode plus précise
C'est là qu'intervient Rishi Rajpopat. Cet étudiant de Cambridge revendique d'avoir enfin cerné l'une de ces métarègles, mal comprise depuis très longtemps. Sa théorie se résume ainsi : en cas de conflit, lorsque l'une des formules de Panini peut s'appliquer aussi bien à droite ou à gauche d'un même mot, il faut choisir la règle qui s'applique au côté droit. Ça n'a l'air de rien, mais c'est sans doute une avancée majeure dans la compréhension du système de Panini.
« Si vous appliquez l'interprétation des commentateurs traditionnels, celle qui faisait foi jusqu'à ce jour, il vous arrivera de tomber sur le mauvais résultat. En appliquant la sienne, vous tomberez juste dans plus de 90% des cas, assure Vincenzo Vergiani, le professeur de thèse de Rishi Rajpopat à Cambridge. C'est un peu comme en mathématiques : il peut y avoir plusieurs méthodes qui permettent de résoudre un problème. Mais les mathématiciens vous diront qu'il n'y a qu'une manière de parvenir à ce résultat de façon courte et élégante. C'est ce qu'a fait Rishi. Les anciens, eux aussi, avaient trouvé un chemin vers la bonne réponse. Mais la méthode de Rishi est bien plus économe et élégante. »
Les critiques vous diront qu'il n'y a pas matière à se vanter. Et que, rapporté à la pensée complexe de Panini, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Certes, mais l'équipe de Cambridge espère fédérer les bonnes volontés. « J'espère, conclut Vincenzo Vergiani, que les spécialistes du sanskrit vont se pencher sur la question et venir bousculer nos certitudes. »
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