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Ildar Dadine, itinéraire d’un opposant russe mort pour l’Ukraine
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Il avait choisi de prendre les armes contre son propre pays pour défendre l’Ukraine. Et sa mort sur le front, dans la région de Kharkiv, a suscité une immense émotion dans les rangs de l’opposition russe. Ildar Dadin était en effet une figure emblématique de la lutte contre Vladimir Poutine, des premières manifestations contre les fraudes électorales au refus de la guerre en Ukraine.
Mort les armes à la main contre les soldats de son propre pays, Ildar Dadine était devenu un symbole de l’opposition russe bien des années auparavant. En 2015, il fut le premier à être condamné à une peine de prison ferme simplement pour avoir manifesté dans les rues de Moscou. Deux ans et demi de prison en vertu d’un article du code criminel russe adopté sous la pression de Vladimir Poutine. L’arrestation et la condamnation d’Ildar Dadine sera le signe avant-coureur de la machine répressive qui allait progressivement broyer l’opposition russe.
« Ildar Dadine était un militant acharné contre l’injustice et pour la défense des droits et des libertés en Russie », témoigne Olga Prokopieva, présidente de l’association Russie-Libertés. « Et pour avoir manifesté à plusieurs reprises il a été condamné à plusieurs années de prison. Pour nous, il incarnait la résistance non-violente face à fraudes électorales et à la dérive répressive du régime poutinien. » Le symbole est tel que l’article 212.1 qui permet à la justice de condamner un individu pour avoir manifesté à plusieurs reprises sans autorisation préalable sera surnommé « loi Dadin » par les opposants et les médias russes.
Menaces de viol et simulacre de noyade
Né en avril 1982 dans la région de Moscou, Ildar Dadine devient agent de sécurité après son service militaire et se met à militer au début des années 2010. Comme il le raconte lui-même dans un entretien accordé des années plus tard à l’ONG russe OVD-Info, ce sont les fraudes électorales qui le poussent à s’engager. « J’ai manifesté pour la première fois sur la place Bolotnaya à Moscou, en décembre 2011… J’étais indigné par la victoire frauduleuse de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, et j’avais réalisé que nous étions trompés par le pouvoir ».
Cet engagement le conduit en prison où il sera battu et torturé – simulations de noyade et menaces de viol, des sévices qu’il dénoncera publiquement. « À cette époque-là, les mauvais traitements s’appliquaient surtout aux prisonniers de droit commun, qui avaient peu accès à des avocats et encore moins aux médias », explique Anne Le Huérou, maîtresse de conférence à l’Université de Nanterre, et spécialiste de la Russie. « Ildar Dadine, lui, était déjà un petit peu connu, il savait que des organisations existaient qu’ils pouvaient solliciter, comme le Comité contre la torture… Il n’a pas eu peur, il a réussi à rendre visible son cas et à décrire de manière très précise tout ce dont il a été victime ».
« Tuer le tueur »
Sa détention et les sévices qui lui ont été infligés ne brisent pas sa détermination et sa volonté de résister au régime poutinien. Et il continuera de militer et de manifester dans les années qui suivent sa libération. Puis, le 24 février 2022, Vladimir Poutine lance l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Comme nombre d’opposants à la guerre, sur lesquels plane désormais le risque d’une condamnation à plusieurs années de prison, il se résout à fuir la Russie. Il passe par la Pologne puis se rend en Ukraine où il s’engage, sous le pseudonyme « Ghandi », dans les bataillons de volontaires russes.
« Il a pris les armes tout en disant qu'il était pacifiste, qu’il détestait l'idée de tuer quelqu'un, mais qu’il devait s’opposer de la façon la plus efficace possible à un mal aussi immense que celui représenté par la Russie lorsqu'elle attaque l'Ukraine, pointe Cécile Vaissié, professeure en études russes à l’Université de Rennes-II. « Et il avait cette phrase : "la seule façon que je vois de s'opposer aux crimes commis par la Russie, c'est malheureusement de tuer le tueur"… Il aurait pu rester tranquillement dans l'immigration, il aurait pu rester à Varsovie comme d'autres le font encore maintenant. Mais il a dit qu’il se devait de prendre la défense du plus faible, y compris quand il s'agit de se battre contre les troupes de son propre État ».
Divergences stratégiques
Pour se battre, Ildar Dadine rejoint le Bataillon de Sibérie puis il intègre la Légion liberté de la Russie, un groupe de volontaires russes qui veut défendre l’Ukraine bien sûr mais qui veut également préparer la chute de Vladimir Poutine. À leurs yeux, seule une défaite militaire de la Russie pourra permettre de renverser le président russe et son régime – et la guerre en Ukraine ne serait de ce point de vue que le prélude à cette lutte armée sur le sol russe. Une stratégie qui suscite un vif débat au sein de l’opposition en exil – ce qui ajoute aux divisions qui contribuent à l’affaiblir.
« Certains leaders de l'opposition se sont positionnés pour un soutien à cette lutte armée - y compris financièrement pour ceux qui en auraient les moyens – et c’est le sens de l’appel lancé récemment par Gary Kasparov, décrypte Anne Le Huérou, de l’Université de Nanterre. « Mais d’autres sont résolument contre, et estiment qu'il n'y aurait rien de pire que d'ajouter une guerre civile à cette guerre d'agression que mène la Russie. Ceux-là considèrent que ce n'est tout simplement pas possible aujourd'hui de vaincre le régime de Vladimir Poutine par une résistance armée ».C’est le cas notamment, des partisans d’Alexeï Navalny. Mort en prison en février 2024 l'opposant avait toujours refusé de lancer des appels à l’action violente et prônait une contestation pacifique du pouvoir en place. Loin des débats et des dissensions qui agitent aujourd’hui l’opposition russe en exil, Ildar Dadine avait choisi d’agir, au péril de sa vie. Son itinéraire de militant l’aura conduit des rassemblements pacifiques de l’hiver 2011-2012 aux tranchées de la guerre en Ukraine – un raccourci tragique et emblématique de ce qu’auront vécu, en moins d’une décennie, les militants russes de l’opposition anti-Poutine.
À lire aussiGuerre en Ukraine: mort de l'opposant russe Ildar Dadine qui combattait auprès des forces de Kiev
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Il avait choisi de prendre les armes contre son propre pays pour défendre l’Ukraine. Et sa mort sur le front, dans la région de Kharkiv, a suscité une immense émotion dans les rangs de l’opposition russe. Ildar Dadin était en effet une figure emblématique de la lutte contre Vladimir Poutine, des premières manifestations contre les fraudes électorales au refus de la guerre en Ukraine.
Mort les armes à la main contre les soldats de son propre pays, Ildar Dadine était devenu un symbole de l’opposition russe bien des années auparavant. En 2015, il fut le premier à être condamné à une peine de prison ferme simplement pour avoir manifesté dans les rues de Moscou. Deux ans et demi de prison en vertu d’un article du code criminel russe adopté sous la pression de Vladimir Poutine. L’arrestation et la condamnation d’Ildar Dadine sera le signe avant-coureur de la machine répressive qui allait progressivement broyer l’opposition russe.
« Ildar Dadine était un militant acharné contre l’injustice et pour la défense des droits et des libertés en Russie », témoigne Olga Prokopieva, présidente de l’association Russie-Libertés. « Et pour avoir manifesté à plusieurs reprises il a été condamné à plusieurs années de prison. Pour nous, il incarnait la résistance non-violente face à fraudes électorales et à la dérive répressive du régime poutinien. » Le symbole est tel que l’article 212.1 qui permet à la justice de condamner un individu pour avoir manifesté à plusieurs reprises sans autorisation préalable sera surnommé « loi Dadin » par les opposants et les médias russes.
Menaces de viol et simulacre de noyade
Né en avril 1982 dans la région de Moscou, Ildar Dadine devient agent de sécurité après son service militaire et se met à militer au début des années 2010. Comme il le raconte lui-même dans un entretien accordé des années plus tard à l’ONG russe OVD-Info, ce sont les fraudes électorales qui le poussent à s’engager. « J’ai manifesté pour la première fois sur la place Bolotnaya à Moscou, en décembre 2011… J’étais indigné par la victoire frauduleuse de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, et j’avais réalisé que nous étions trompés par le pouvoir ».
Cet engagement le conduit en prison où il sera battu et torturé – simulations de noyade et menaces de viol, des sévices qu’il dénoncera publiquement. « À cette époque-là, les mauvais traitements s’appliquaient surtout aux prisonniers de droit commun, qui avaient peu accès à des avocats et encore moins aux médias », explique Anne Le Huérou, maîtresse de conférence à l’Université de Nanterre, et spécialiste de la Russie. « Ildar Dadine, lui, était déjà un petit peu connu, il savait que des organisations existaient qu’ils pouvaient solliciter, comme le Comité contre la torture… Il n’a pas eu peur, il a réussi à rendre visible son cas et à décrire de manière très précise tout ce dont il a été victime ».
« Tuer le tueur »
Sa détention et les sévices qui lui ont été infligés ne brisent pas sa détermination et sa volonté de résister au régime poutinien. Et il continuera de militer et de manifester dans les années qui suivent sa libération. Puis, le 24 février 2022, Vladimir Poutine lance l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Comme nombre d’opposants à la guerre, sur lesquels plane désormais le risque d’une condamnation à plusieurs années de prison, il se résout à fuir la Russie. Il passe par la Pologne puis se rend en Ukraine où il s’engage, sous le pseudonyme « Ghandi », dans les bataillons de volontaires russes.
« Il a pris les armes tout en disant qu'il était pacifiste, qu’il détestait l'idée de tuer quelqu'un, mais qu’il devait s’opposer de la façon la plus efficace possible à un mal aussi immense que celui représenté par la Russie lorsqu'elle attaque l'Ukraine, pointe Cécile Vaissié, professeure en études russes à l’Université de Rennes-II. « Et il avait cette phrase : "la seule façon que je vois de s'opposer aux crimes commis par la Russie, c'est malheureusement de tuer le tueur"… Il aurait pu rester tranquillement dans l'immigration, il aurait pu rester à Varsovie comme d'autres le font encore maintenant. Mais il a dit qu’il se devait de prendre la défense du plus faible, y compris quand il s'agit de se battre contre les troupes de son propre État ».
Divergences stratégiques
Pour se battre, Ildar Dadine rejoint le Bataillon de Sibérie puis il intègre la Légion liberté de la Russie, un groupe de volontaires russes qui veut défendre l’Ukraine bien sûr mais qui veut également préparer la chute de Vladimir Poutine. À leurs yeux, seule une défaite militaire de la Russie pourra permettre de renverser le président russe et son régime – et la guerre en Ukraine ne serait de ce point de vue que le prélude à cette lutte armée sur le sol russe. Une stratégie qui suscite un vif débat au sein de l’opposition en exil – ce qui ajoute aux divisions qui contribuent à l’affaiblir.
« Certains leaders de l'opposition se sont positionnés pour un soutien à cette lutte armée - y compris financièrement pour ceux qui en auraient les moyens – et c’est le sens de l’appel lancé récemment par Gary Kasparov, décrypte Anne Le Huérou, de l’Université de Nanterre. « Mais d’autres sont résolument contre, et estiment qu'il n'y aurait rien de pire que d'ajouter une guerre civile à cette guerre d'agression que mène la Russie. Ceux-là considèrent que ce n'est tout simplement pas possible aujourd'hui de vaincre le régime de Vladimir Poutine par une résistance armée ».C’est le cas notamment, des partisans d’Alexeï Navalny. Mort en prison en février 2024 l'opposant avait toujours refusé de lancer des appels à l’action violente et prônait une contestation pacifique du pouvoir en place. Loin des débats et des dissensions qui agitent aujourd’hui l’opposition russe en exil, Ildar Dadine avait choisi d’agir, au péril de sa vie. Son itinéraire de militant l’aura conduit des rassemblements pacifiques de l’hiver 2011-2012 aux tranchées de la guerre en Ukraine – un raccourci tragique et emblématique de ce qu’auront vécu, en moins d’une décennie, les militants russes de l’opposition anti-Poutine.
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